Loisirs et culture - Culture - Tamara Anna Koziej

Tamara Anna Koziej

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Artiste interdisciplinaire : art végétal, land art, installation, performance, photographie, slam

Tamara Anna Koziej (59ans), originaire de Pologne, est formée en pédagogie, en architecture de paysage et en développement durable. Dans son travail artistique multidisciplinaire, elle explore de nombreuses facettes du lien biophilique qui nous unit au monde naturel. Par exemple, le jardin comme territoire identitaire et interface sensible de nos projections où la culture croise la vie organique.

Le bonheur des choses inutiles et éphémères, qui se succèdent au fil des saisons. L’observation admirative du vivant, les gestes simples, la joie imprenable d’être en contact avec la matière brute, et de faire partie du cosmos. Tels sont les éléments du processus immersif tributaire de la création de Tamara, qui vit et travaille sur sa ferme florale, au cœur de la Boréalie, à Saint-Honoré-de-Chicoutimi.

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Son œuvre : « No way out! »

Un corps-à-corps avec la terre mère

Ma création est une incision douloureuse dans le corps de notre mère, qui est en réalité notre propre chair…

Comme la mère terribilis qui, dans l’enfance, avait le pouvoir de vie et de mort sur nos corps frêles et immatures, la terre terribilis peut nous broyer, mais aussi nous protéger et nous nourrir ; nous, les Terriens, encore si jeunes à l’échelle de l’évolution du Cosmos.

Je propose de créer une fracture dans le paysage bucolique. Une sorte de trappe aux humains, qui ont appris au fil du temps à construire si efficacement les trappes aux éléphants et aux gibiers, qui les ont décimés presque complètement, et qui maintenant, à leur tour, tombent dans leur propre piège… Un rappel inconfortable, comme un remords de conscience lancinant, de notre manière hautaine issue de cette injonction biblique de « nous rendre la terre soumise » et de, finalement, courir à présent si stupidement droit contre le mur, à la catastrophe climatique et écologique, vers un anéantissement collectif.

La terre, c’est toute cette multitude d’associations! C’est là où on enterre nos morts, on plante les fleurs, on sème le blé pour le pain et aussi où on cache les trésors… c’est notre départ et notre arrivée… la descente aux enfers, le Hadès, le roi du « underworld », un passage étroit qui nous fera sentir le poids de la terre.

Le sommet de la montagne, atteignant le ciel, flotte éthéré comme la tête dans les nuages… À son opposée, sous nos pieds, se trouve le monde souterrain, sombre, humide, dense et lourd de tout ce que nous cherchons à refouler, la mort, les ordures, les déchets nucléaires… La terre semble tout gober, patiemment. Mais comme dans un vieux conte japonais, qui raconte la vie de l’océan, qui finit par violemment régurgiter tous les déchets que les gens y déposent dans l’insouciance, la terre commence peut-être aussi à craquer dans sa structure, sa peau ridée tremble.

Elle génère un sentiment contradictoire d’être à la fois à l’abri, protégée, en dedans, au creux, au sein de, mais aussi dangereusement retenue, encerclée, écrasée, ensevelie, prise et emprisonnée.

Avec tous les codes symboliques de l’art, actualisés et mis en épingle par la crise climatique, j’ouvre la plaie de notre responsabilité/culpabilité collective, de nous les Terriens, enfants de la Terre. J’adresse des questions sur notre rapport au sol vivant et à la Terre mère biosphère, porteuse de vie. La terre est-elle malpropre ? Peut-être pas plus que notre propre peau !

Nous, les enfants en apparence émancipés, nous fuyons si adroitement dans l’imaginaire, dans la technologie, dans le virtuel du Metaverse, mais finalement nous ignorons que notre condition est sans issue…  There is no way out !

La terre nous porte et elle nous gobe. Elle nous possède et nous lui appartenons complètement, totalement, sans appel. Au final, elle nous reprend aussi quand elle le veut. Nous sommes son armée de terre, un bataillon de figurines d’argile, qui fondent à la pluie dans sa peau et en se désintégrant, se confondent avec la matrice originelle.

Crédit photos : Véronique Moisan

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